Le visage violent de la grande corruption
Exposer la corruption a toujours été un travail dangereux. Dernièrement, il est devenu encore plus dangereux, surtout pour ceux d’entre nous qui visent l’une des industries les plus corrompues – celle de l’exploitation du pétrole, du gaz et des minerais. Secteur aux enjeux majeurs, il est sujet à l’opacité, aux intérêts économiques particuliers et aux activités sans scrupules. En même temps, c’est une industrie qui peut, lorsqu’elle est bien gérée, être un moteur de croissance et d’éradication de la pauvreté dans de nombreux pays.
Les citoyens qui s’emploient à promouvoir la transparence du secteur d’extraction sont sujets à des attaques. Au fur et à mesure que les valeurs libérales et démocratiques se rétractent à travers le monde et que la soif insatiable de profit des ressources naturelles continue, ceux qui dénoncent les pratiques de corruption sont confrontés au harcèlement, aux obstacles juridiques et extra-légaux et, dans le pire des cas, à la mort. Lutter pour une gestion plus équitable et durable des ressources naturelles n’a jamais été aussi traître, comme le témoignent les membres de Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) sur le terrain dans une nouvelle publication documentant les cas de répression dans le monde.
Au Niger, Ali Idrissa, militant en matière de transparence et membre du Conseil d’administration de PCQVP, a subi plusieurs arrestations discrétionnaires en 2014, une surveillance forcée et, plus récemment, des tentatives de discréditation de son appel à une gestion responsable des réserves d’uranium du Niger sous forme de vicieuses campagnes de diffamation. Dans le contexte d’une crise politique et économique accrue, les combattants de la transparence tels qu’Ali sont en premières ligne quand le gouvernement cherche à faire taire ses critiques. Entretemps, le Niger se situe au plus bas de l’Indice de Développement Humain, tout en étant le quatrième producteur mondial d’uranium – assez pour éclairer une ampoule sur trois en France.
L’histoire d’Ali n’est qu’un cas parmi tant d’autres. En effet, les chiffres qui émergent sont terrifiants. En 2015, 185 défenseurs de l’environnement et de la terre ont été tués, dont 42 qui s’opposaient à des projets miniers et extractifs, selon Global Witness. Il s’agit là d’une augmentation importante par rapport aux 116 meurtres survenus en 2014 et 92 meurtres en 2013. Il y a de fortes preuves que ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg: pour chaque cas signalé de meurtre de haut niveau, beaucoup d’autres ne le sont pas. Des responsables gouvernementaux autoritaires et corrompus et des dirigeants d’entreprises tentent de faire taire ceux qui remettent en cause l’exploitation sans scrupules des ressources naturelles dans le monde. Lorsque ceux qui veulent s’exprimer en toute légitimité sur la gestion de leur patrimoine naturel collectif, ils font souvent face à des oppositions venant d’organismes politiques et économiques qui cherchent à protéger leurs propres intérêts.
Alors que nous célébrons la Journée internationale contre la corruption le 9 décembre, souvenons-nous que la transparence a souvent un coût personnel élevé pour les activistes anti-corruption comme Ali. Le mouvement mondial contre la corruption doit son respect et sa protection à lui et à ses collègues. Alors que des militants de la transparence du monde entier se réunissent cette semaine à Paris pour le Sommet Mondiale du Partenariat pour un Gouvernement Ouvert, l’obtention de l’espace civique et des libertés civiles fondamentales fera partie des priorités. Tant que la société civile n’est pas en mesure de s’organiser librement, de s’exprimer et de poser des questions inconfortables aux gouvernements, la transparence et la responsabilisation resteront des rêves éloignés et ceux qui exploitent les ressources naturelles pour leur propre profit continueront à fonctionner impunément.
Ensemble, nous pouvons créer l’élan nécessaire pour inverser la répression contre les citoyens qui veulent simplement récolter certains des avantages découlant de l’exploitation de leur dotation naturelle. En travaillant plus étroitement avec des activistes des droits humains et des femmes, des militants anti-corruption et des défenseurs de l’environnement, nous serons plus forts pour lutter.
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